B.O. : « I don’t care » par Black Flag.
Y’a-t-il encore quelqu’un à Hollywood qui veuille se lever le cul pour faire un blockbuster qui se tienne? Ou assurent-ils uniquement le service minimum, en sachant que les cochons payeurs continueront d’acheter des cartes illimitées, et en comptant sur Christopher Nolan pour relever le niveau et compenser la misère une fois tous les deux ans? On se pose la question quand on voit coup sur coup des MIB3, des Prometheus, des Avengers et des Wrath of the Titans.
Les bandes-annonces, l’absence de projos-presse (comme pour le dernier Ghost Rider – ça c’est pour situer), et la sortie à la fois au sein d’un creux de programmation et dans l’angle mort des mensuels ciné (soit dans la courte période juste après les bouclages), et néanmoins dans une grosse combinaison de salles… Ces indices permettaient de subodorer le coup en chien, le film bâclé posé discrètement comme une galette honteuse dans les géraniums de la voisine, au sortir d’un soir de cuite. Mais l’ampleur du ratage mou a largement dépassé les estimations : de fait, le seul phénomène spectaculaire du film est encore l’ampleur du hijacking commercial mis en place (quand même pas très loin des trois quarts de million d’entrées/France). On se retrouve ici devant un pur film de studio, de producteurs, et dans le mauvais sens du terme. Film d’exécutifs est sans doute plus approprié.
Tu imaginais, ami(e) lecteur(euse), qu’un jour tu regretterais le film de Leterrier? Liebesman accomplit cet exploit. Faut dire que le pauvre garçon a quasiment achevé sa transformation en yes-man servile depuis son expérience cauchemardesque sur Darkness Falls en 2003, transformation qui devrait se solder l’année prochaine dans le fameux reboot des Tortues Ninjas ou les rôles-titres ne seront plus des mutants mais des extraterrestres. Or un yes-man, ça fait ce que lui disent les costards-cravate du studio qui ne pinent rien au cinoche. Ce WOTT est à cet égard un monument de je-m’en-foutisme à tous les niveaux de sa fabrication: écriture indigente (on oublie complètement les règles édictées auparavant, tout en fabriquant de nouvelles au hasard des scènes), DA et péripéties entièrement pompées de God of War (on s’étonne souvent de ne pas voir de Quick Time Events à l’écran), options de prod complètement pourries (certains plans de photo secondaire pas tournés dans le même format que la photo principale, des money shot qui se répètent), personnages unidimensionnels et réduits à des fonctions, mise en scène à la ramasse, ainsi qu’une interprétation cabotine digne d’un gros boulevard (« let’s have fun!« , déclare Zeus dans une posture on le voit digne d’un dieu antique).
L’histoire? Tout le monde s’en fout. Les personnages? Tout le monde s’en fout. La nouvelle coiffure de Worthington? Te fous pas de ma gueule. Les SFX ? Ah, pour le coup ils tiennent la route, pour peu que la réalisation ne les castre pas outre mesure : du surdécoupage sur les chimères (comptez voir les têtes) ou les doubles guerriers (comptez voir les bras), à la confusion spatio-temporelle sur l’île (comptez voir les cyclopes) ou lors des batailles, les interrogation quant à l’implication du réa se posent clairement. Encore une fois, s’est-on dit que de toutes façons, les plans impressionnants seraient déclinés sur les supports promos pour attirer le chaland, et qu’une fois les spectateurs dans la salle ils suffirait d’assurer un emballage rapide desdits plans pour pas que ça se voie trop, mais sans faire de zèle? A voir l’absence TOTALE de direction d’acteurs, par exemple (putain mais Bill Nighy quoi), ou la tronche des climax (le labyrinthe inextricable qui se traverse en six minutes chrono sans vraiment bouger, et contenant un pauvre streum fabriqué à base de chutes de moulages), la question fait plus que persister. Leterrier, au moins, essayait de déniaiser ses enjeux et d’iconiser ses créatures, il y parvenait même dans un final plus fluide que le reste. Ici, deux-trois ralentis et mouvements d’appareils amples sont les seuls moments qui passent pour de la fluidité, au service d’actions d’une gratuité qui confine parfois à la bêtise pure (le revirement soudain d’Hadès qui débouche sur un numéro de cirque télékinétique à la DBZ, l’ensemble des scènes de Agenor), et surtout sont systématiquement annulées en dix minutes, sans que leur résolution apporte un quelconque changement.
Reste pas grand’chose. Rosamund Pike gagne en charisme et en meugnonitude dans son arnachement belliciste, Toby Kebbel est amusant en barbu, il n’y a pas trace de Mouloud Achour, et Worthington tire une maigre épingle d’un jeu dont les rares moments spectaculaires ont, au moins, le bénéfice de la beauté picturale. C’est quand même dommage que cette épingle soit partie d’un jeu de mikado, et que l’équipe du film en ait autant appliqué le principe sur l’ensemble de la narration : le premier qui fait bouger le truc a perdu.
-2011
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