Cowboys and Aliens – J. Favreau

Comme d’à peu près tous les films de John Favreau, il n’y a pas grand-chose à dire de Cowboys and Aliens. Un concept de base sympatoche bien qu’un peu enfantin (« ouais mais à ton avis, c’est qui le plus fort, l’hippopotame ou l’éléphant? ») et vain une fois le titre prononcé à voix haute (vous vous souvenez VRAIMENT de Snakes on a Plane vous?). Un affrontement viril entre ganaches charismatiques, du perso secondaire balisé, du perso féminin qui sert pas à grand-chose. Le tout emballé dans une facture technique très propre, parfois même enthousiasmante, avec des péripéties de serial dynamiques en dépit de leur aspect mécanique et de leur quasi-absence de suspense général.

Selon des critères communément admis parmi les posteurs de commentaires sur l’interweb cinéphile, Cowboys and Aliens est donc un bon film estival, pas méchant pour deux sous et qui ne fait sans doute de mal à personne. Seulement voilà, l’été touche à sa fin, et il nous a donné X men First Class et Planet of the Apes, le bougre, alors on a un peu des goûts de luxe en termes de divertissement qui se sort les doigts. On aura donc soin de laisser son mauvais esprit (ou simplement ses exigences) à l’entrée de la salle, pour se concentrer sur l’aspect au premier abord bien agréable du film lui-même ; on a tous besoin de futilités, et celle-ci au moins est honnête.

Principale attraction du spectacle : Daniel Craig, impeccable. Favreau ne s’y trompe pas et nous le met le plus possible à l’image, du début à la fin. Presque mutique (« What do you know? _English. »), classieux, altier, sec et animal dans ses mouvements, le type bouffe l’écran comme jamais depuis Munich. Le reste du cast en pâtit, bien sûr. La « Number 13 » de House M.D. en tête, manifestement foutue à l’affiche juste pour faire joli. Son personnage justifie dans une certaine mesure son aspect peu crédible en gonzesse de l’Ouest (on va pas spoiler, mais en même temps le twist de second acte ne vous retournera pas le cortex préfrontal non plus), mais franchement, à ce point de tronche de mannequin et de manque de charisme, elle mériterait un Razzie. Ou une couv de Vogue. Disons qu’on est très loin de Juliette Lewis dans Blueberry.

Cet effacement de fait face à Craig est un poil plus dommage pour les seconds couteaux qu’on a toujours plaisir à recroiser, Sam Rockwell et Clancy « donnez-lui un premier rôle » Brown, qu’on aurait bien aimé voir un peu plus longtemps. Harrisson Ford, définitivement devenu une vieille ganache, assure le service minimum mais a quand même l’air de s’emmerder un peu dans ce qui se veut une variation moderne de la Vallée de Gwangi, avec des extraterrestres tout méchants à la place des animaux préhistoriques partouzeurs de droite. Faut dire que son perso est encore plus linéaire que les autres : au début il est pas cool, mais en fait après il est sympa et à la fin ils sont potes, et gna et gna. Bref. Les autres aspects du récit sont à l’avenant… Découpage fonctionnel, cadres lisibles mais pas à se la taper au sol, évolutions de persos tellement éculées que même ton chat les connait par cœur (ah, ce connard de fils à papa qui décide de devenir gentil à la fin), effets spéciaux pas révolutionnaires mais classieux quand même, et euh… Joli générique? Accessoires rigolos? Indiens pas dégueux?

Bon ben voilà, que dire d’autre? Les aliens du titre sont amusants en dépit de leur design absolument approximatif et peu défini : on pense à la manière dont George Lucas avait créé certaines créatures de sa prélogie, en collant entre elles, au petit bonheur la chance, des parties de corps de plusieurs designs différents ; ici c’est pareil, pour exotique que paraissent à première vue les bestiaux mineurs d’or (et encore, on sent l’influence de la Guerre des Mondes de Spielberg ainsi que celle de… Independance Day !), à aucun moment leur univers ne semble cohérent, tant en termes biologiques que sociaux ou techniques. Cependant, une fois accepté l’illogisme global du monde dépeint, illogisme d’ailleurs accentué par une vision du far west très séduisante en comparaison (on pense parfois à Open Range), on appréciera des scènes d’action gentiment troussées, dont une attaque de village bien brutale et un assaut final assez bordélique. Le reste, ben on s’en fout, parce que si on commence à y faire attention, on s’énerve. Eh les mecs, c’est un film de Favreau, faut pas trop creuser.

Deux options pour voir ce film : être indulgent et s’amuser – un peu – ou espérer un film un peu plus évolué et s’énerver – beaucoup. Restent l’action, les effets, et Craig. Et on peut aller pisser à peu près quand on veut, en revenant à son siège on sera pas perdu…

-2011

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